Beaucoup d'Auvergnats ont l'habitude d'aller « à la
drouine » ou encore « au chaudron ». Ils se disent « rhabilleurs
en cuir et en cuivre », réparant, raccomodant et rétamant principalement les objets de métal et de cuivre. Ce sont
les fondeurs, qui refondent dans des moules les cuillères et
la vaisselle d'étain. Ce sont les lantemiers, qui fabriquent et
réparent les falots que les paysans utilisent pour aller de nuit
dans les granges ou les étables sans courir le risque d'y
mettre le feu. Ce sont, surtout, les chaudronniers, qui battent
eux aussi la campagne huit à neuf mois durant, s'annonçant
volontiers par des coups de sifflet, s'arrêtant, comme nos
rémouleurs-aiguiseurs, sur quelque place de bourg ou de village. Là, ils vident leur hotte ou les panières d'osier de leurs
mulets, remplies de tout un attirail de morceaux de métal et
d'outils, pour travailler les métaux à chaud, devant des
attroupements de gosses, attirés par les cliquetis de leurs
récipients qui s'entrechoquent, par leur feu de bûches, et
médusés par les chuintements du métal en fusion et les
fumées bizarrement colorées qui s'en échappent. Avec un
savant mélange composé pour deux tiers d'étain et pour un
de plomb, ils rétament les bassines, marmites et chaudrons
usagés, refaisant leurs culs trop attaqués par le feu. Ils en éliminent l'oxyde de cuivre appelé vert-de-gris, que les aliments
acides y ont formé, notamment dans les cruches à eau et à
lait alors toutes métalliques, vert-de-gris que l'on considère
déjà à cette époque comme pouvant présenter un danger
mortel. On a d'ailleurs souvent accusé autrefois l'étameur
auvergnat de soustraire, lors de son travail, de l'étain aux
récipients qu'on lui confiait pour lui substituer de
« l'étoffe », autrement dit du plomb à peine additionné
d'étain, substance particulièrement nocive; le but de cette
substitution étant évidemment de revendre les stocks d'étain
ainsi récupérés.
Quoi qu'il en soit, le chaudronnier est souvent le premier à pâtir de son métier, notamment du fait des vapeurs
s'échappant des métaux en fusion et auxquelles il se trouve
exposé en permanence, comme d'avoir à travailler en plein
hiver, mains nues, dans des eaux glacées où il trempe les
métaux après soudure.
Chaque maison du hameau de Pouzol, dit-on, avait jadis son
étameur, et cette activité perdurera jusqu'à ce que l'apparition de nouveaux matériaux comme l'inox et le plastique,
conjuguée à la mécanisation générale, ne les contraignent au
chômage technique, les plus souples réussissant alors à se
reconvertir comme plombiers, potiers d'étain, brocanteurs
ou récupérateurs.
Extrait du livre Quand nos ancêtres partaient pour l'aventure de Jean Louis Beaucarnot.