Le jargon du p'tit folkleux

Les vieux métiers du Limousin

Le secteur de la récupération a toujours fourni des professions très prisées des Auvergnats. D'abord à pied, puis avec une voiture à cheval appelée « baladeuse », ils battent les campagnes, achetant et vendant vaisselle, verre, vieux outils, métaux ferreux ou non, ou encore les os (revendus aux usines d'engrais), les chiffons et, bien sûr, les fameuses « peaux de lapins » qui ont valu au chiffonnier le célèbre cri annonciateur de son arrivée. Plus tard, ceux qui réussiront auront un camion et deviendront récupérateurs en gros, confiant le travail d'approvisionnement à de petits rabatteurs. Longtemps, ils ont eu assez mauvaise réputation. On les soupçonne toujours de vous voler un peu, et puis les marchandises qu'ils manipulent leur communiquent volontiers une odeur nauséabonde et leur causent parfois des maladies de peau répugnantes, la phtisie les guettant également. Ces chiffonniers sont appelés des «pattiers » ou des « peillarots », parfois aussi des « biffins ». Avec un âne ou un mulet, ils collectent, dans les provinces voisines, des étoffes usagées de lin ou de chanvre. Ils fréquentent essentiellement le Beaujolais, la Bourgogne et la Franche-Comté, et cela, semble-t-il, pour deux raisons : d'une part, la possibilité de faire acheminer une partie des stocks récupérés par les voies d'eau, la Saône ou la Loire, et d'autre part la réputation qu'ont les habitants de ces contrées de laver les chiffons avant de les vendre. De retour en Auvergne, ils trient leurs stocks. Après sélection, ils revendent les vieux linges aux industries papetières d'Ambert qui les recycleront pour leurs moulins, les chiffons déjà lessivés offrant une pâte plus facile à travailler. C'est donc des environs de cette ville, notamment de Saint-Just-de-Baffie, que de nombreux gars s'en vont régulièrement « à la peille ». Toutefois d'autres régions du Massif central, notamment le Livradois et le Cantal, en fournissent aussi. Le canton de Saint-Amand, en 1848, compte ainsi trois cent cinquante hommes, âgés de seize à trente-cinq ans, qui partent chaque année récupérer des « peilles », principalement en Bemy et en Poitou. En ville, au long des rues, ils explorent les ordures à l'aide de crochets. Ils passent ainsi deux fois par jour, tôt le matin et tard le soir, après onze heures, hotte au dos, récupérant dans de grands paniers toutes sortes de détritus qu'ils trieront la nuit pour les revendre aux grossistes. Aux chiffons, ils ajoutent les métaux, et les activités de chiffonniers, de ferrailleurs et de brocanteurs sont souvent liées. A Paris, nombreux sont les individus originaires du Livradois, du Cézallier ou de l'Artense à s'être établis, dès le XVIIIème siècle, dans le quartier du faubourg Saint-Antoine, alors peu urbanisé. Ils sont d'abord venus saisonnièrement, à pied, chaque hiver, de leurs montagnes, comme ce brocanteur-chineur d'Anzat-le-Luguet, dans le Puy-de-Dôme, quittant son village en septembre, le jour de la foire d'Ardres-sur-Couze, pour n'y revenir qu'au printemps, le jour de la foire de Blesle, et laissant au pays sa femme et ses enfants. Bientôt, deux fils le suivront, se louant d'abord comme ramoneurs, puis l'aidant dans ses activités.

Extrait du livre Quand nos ancêtres partaient pour l'aventure de Jean Louis Beaucarnot.