Sur la Dordogne, navigaient les gabarres, ces bateaux a fond plat qui descendaient
le cours du fleuve en enmenant leurs cargaisons vers Bordeaux.
A l'arrivée, on vendait le chargement, et les gabarres elles memes
étaient démontées et vendues.
Le grand chantier de
construction est Spontour.
Les gabares, mesuraient de dix-sept à dix-huit mètres de long et pouvaient transporter jusqu'à
vingt tonnes, acheminant toute une gamme de produits
locaux: Chargements de châtaignes, sorties des séchoirs du
Limousin dont elles constituent la richesse première et la
base de l'alimentation des habitants, qui les mangent cuites
à l'eau ou grillées et qui appellent le châtaignier « l'arbre-à-pain ».
Chargements de fromages d'Auvergne ou de charbon
tiré des mines d'Argentat, mais surtout chargements de bois
en tout genre : bois de charpente, de carassonne (les échalas
de châtaignier) ou bois de merrains de tonnellerie. Des bois
que l'on va faire parfois aussi flotter par train, comme en
Morvan, à partir de Bort-les-Orgues, et que le gabarier surveille
en les accompagnant. Originaire de la vallée ou des
montagnes et gorges voisines, il est souvent à la fois paysan
et entrepreneur de transports, pratiquant l'habitude
du double métier.
Le gabarier et le "meirandier" sont souvent le même homme, venant de la
vallée comme des crêtes et des plateaux : il connaît la pratique de la rivière
comme des bois et dès que l'eau "devient marchande", il voyage à bord d'une
gabare, véritable caisse d'emballage flottante, rustique et primitive, car elle
sera vendue au prix du bois après la descente, mais robuste et ingénieuse, car
elle doit affronter les pièges de la rivière.
La descente, le plus souvent en convoi, a lieu à partir du triple port
d'Argentat, après la messe de départ et la bénédiction. Cette descente
commence par la difficile passe du MALPAS : le patron est debout au
gouvenail, les manoeuvres rentrent les rames, ôtent la veste pour être prêts à
se jeter à la nage. Le patron, seul maître à bord après Dieu, tenant la barre d'une main
ferme, s'engage avec maîtrise dans le rapide, par la gauche, contourne le
rocher meurtrier qui commande la passe et glisse à distance de la petite île, à
la vitesse d'un cheval au trot.
Entre Bon et Argentat, c'est 83 km de parcours rapide, sinueux, encaissé, dangereux. À partir de Spontour, c'est la XAINTRIE BLANCHE jusqu'à Argentat, ensuite c'est la XAINTRIE NOIRE jusqu'à Beaulieu. Le gabarier doit franchir une cinquantaine de passes dangereuses dont celle du Malpas, de triste renommée. Le gabarier a dans sa tête l'image de chaque rocher, de chaque "tombant" (courant), de chaque "gourg" (contre-courant). Il est ralenti par de nombreux péages, et doit également éviter moulins et pêcheries.
La descente terminée, le gabarier remonte à pied, de Bergerac ou de Souillac, vers le Haut-Pays. Dans sa bourse, il ramène son gain qui lui permettra d'effacer quelque dette ou de financer quelque projet.
Avec l'apparition du chemin de fer, avec la construction des grands
barrages, gabares et gabariers ont disparu de la Dordogne. Spontour s'est
endormi . Dans les forêts, le sapin , plus rapide a pousser, a détrôné le chêne et le hêtre.
Une chanson raconte l'histoire des gabariers