Comme le métier de feuillardiers, celui de scieurs de long est aussi un métier de complément, autrement dit saisonnier.
Ceux qui l'exerçaient appartenaient à la même classe sociale que les feuillardiers : petits exploitants agricoles,
domestiques, fils de fermiers ou de métayers qui trouvaient là l'occasion de gagner un peu d'argent pendant la morte
saison.
Dans la main droite, ils tiennent la poignée de la grande
scie, souvent appelée « beiche », « niargue » ou encore
« passe-partout ». A cette poignée, sont accrochés la lame de
la scie, la hache, les limes, des clous, des chaînes et des malteaux, et enfin la grande scie, l'outil principal, qu'ils
emportent démontée et emballée dans de vieux chiffons ou
des serpillières.Ils venaient en groupe, sous la direction d'un maître-compagnon qui se chargeait de recruter et de former son équipe en
fonction du travail qu'il avait pu se procurer aupres d'un patron.
Ce dernier leur fournit le plus souvent pour tout mobilier, des bottes de paille, un chaudron, parfois un poêle. Leur premier travail est alors de se construire une loge, au coeur d'une clairière, simple baraque en planches qu'ils recouvrent de mottes de terre et qu'ils prévoient bien étanche pour se garantir contre l'humidité. Ils y disposent un plateau en guise de table, assemblent les bottes de paille pour constituer des lits sur lesquels ils dormiront à plusieurs. |
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Quand on avait une futaie à exploiter, la première chose à faire consistait à abattre les arbres, à les ébrancher, puis à scier
les billes à la longueur voulue.
Ils choisissent un premier tronc d'arbre, qu'ils vont
« plomber » à l'aide d'une cognée ou d'une hache, autrement
dit bien équarrir et polir. Sur sa section la plus lisse, le
doleur «ligne la bille », y traçant au cordeau et au fil à
plomb, les raies que la scie devra suivre pour y découper des
planches ou, souvent, les traverses destinées au chemin de
fer, qui représenteront durant tout le temps de son expansion le gros des travaux de la profession, traverses de bois de
hêtre ou de chêne, traditionnellement de 2,60m pour les
rails et de 4,50m pour les aiguillages. D'autres pièces de
bois, sciées dans le peuplier, serviront aux emballages des
biscuiteries Lefevre-Utile, à Nantes, ou à la fabrication des
pavés de bois.
Le tronc est souvent long, pouvant atteindre dix mètres,
de manière à obtenir des planches proportionnées, d'où cette
spécialité du « sciage en long ».
A renfort de bras, ils hissent
cette extrémité du tronc sur le « mouton », plus couramment
appelé la « chèvre », c'est-à-dire une poutre reposant sur
des pieds et constituant, à environ un mètre du sol, un chevalet solide fixé par des chaînes et des cales. Ils prennent
alors leur scie, l'affûtent et la placent dans son cadre de bois
d'environ un mètre de large sur un mètre soixante de haut.
Le « chevrier » grimpe sur la bille de bois, souvent pieds nus
afin de ne pas glisser, et commence un long mouvement de
va-et-vient, montant l'outil au-dessus de sa tête et le redescendant jusqu'à ses genoux, allant ainsi en reculant sur le
tronc, guidé par son compère, le «renardier», en bas.
Celui-ci, tout en tirant sur la scie qui ne « mord » le bois que
dans le sens descendant, s'efforce de lui faire respecter la
ligne noire tracée sur le bois. En fait, et contrairement aux
apparences, c'est le « renardier » qui scie, le « chevrier » se
« contentant » de remonter l'outil. On opère ainsi jusqu'à mi
longueur, coupant toutes les planches prévues ; on trinque
pour marquer la mi-temps, puis on dépose le tronc et on le
retoume pour travailler de même la seconde moitié. Et notre
binôme de continuer ainsi, le « chevrier» peinant rapidement des reins en dépit de l'épaisse ceinture de flanelle
dont il s'entoure la taille ; son compagnon, malgré son chapeau
ayant du mal à éviter que la sciure ne l'incommode,
particuliérement celle du châtaignier, qui lui brûle les yeux.
Le travail dure tout le jour, et se poursuit parfois la nuit
.
Le travail de scieurs de long était épuisant, et c'est pourquoi ceux qui l'exerçaient devaient, pour réparer leurs forces,
absorber des quantités considérables de nourriture, notamment du pain. Ils en mangeaient bien 4 livres par jour et par
personne. Ils le mangeaient nature, mais aussi trempé dans la soupe. La soupe du scieur de long était bien connue :
c'était une soupe si épaisse que la cuillère tenait toute droite quand on la piquait dedans.
La campagne du scieur de long dure tout l'hiver, l'obligeant à vivre huit à neuf mois de cette vie pénible et sauvage.
Enfin, un jour de juin, le doleur distribue les gains et l'on
reprend la route, chacun devant être rentré chez lui le 24 juin,
pour la Saint-Jean d'été, pour faire ses foins et ses moissons.
Quelques-uns prennent la diligence ou empruntent les
coches d'eau. Le train, un jour, leur permettra d'alléger leur
peine et de réduire leur voyage à une seule joumée. Ils pour-
mnt ainsi gagner des forêts plus éloignées. Mais bientôt arriveront les scies ambulantes, actionnées par des machines à
vapeur, puis les scieries. Des migrants étrangers, Polonais ou
Italiens, viendront également les concurrencer. Le métier,
finalement, s'éteindra complètement après la dernière
guerre.
Une chanson est attachée a leur travail : la chanson des scieurs de long