C'est près de la Bastille, rue de Lappe, que se retrouvaient les auvergnats et limousins de Paris,
dans les bals ou l'on jouait de la
vielle ou de la
cabrette et bientot de
l'accordéon
. L'arrivée de l'accordéon , joué principalement par des italiens, succita évidemment
des résistances, des heurts, comme en témoignent cet appel au secours de Meyniel, un cabretaire, au rédacteur de la semaine auvergnate :
"Accourez à notre secours. Aidez-nous à chasser les accordéons qui écrasent notre pays. Mort à ces armoires de nationalité étrangère bonnes tout au plus à faire danser les ours, mais absolument indignes de délier les jambes de nos charmantes Cantaliennes. Cet instrument maudit est en vogue, chez les jeunes gens, parcequ'il n'est pas nécessaire d'être artiste pour en jouer; ça s'apprend aussi facilement qu'à tourner la manivelle des orgues de barbarie. Demandez donc
l'abolition des accordéons dans tout le territoire du Cantal... C'est vraiment malheureux de voir que notre chère musette va se laisser engouffrer par une armoire de saltimbanques."
Les cabretaires finirent par admettre les
diatoniques, puis les chromatiques, qui finalement éclipsèrent les instruments
traditionnels. Et c'est donc ainsi qu'on passa de la musique modale à la musique tonale.
(qui pourait me faire une note sur ce point precis : musique modale/musique tonale ?)
Les genres musicaux se sont finalement mélangés et ont
donnés naissance au style particulier "musette", du nom de la cabrette.
De très nombreux artisans parisiens assurent peu à peu, de 1880 á 1950, la fabrication
de la musette, ou cabrette.
Les artisants Parisiens se nomment Amadieu, Franc, Costeroste, puis Allias,
Marcelin, Dufayet, etc. Cette cornemuse emprunte
à la Musette Royale son soufflet, son esthétique générale
quelques techniques de jeu. Elle conserve par
contre la puissance et la robustesse des cornemuses
populaires du Centre France, quoique elle en perde le bourdon d'épaule.
Pour des raisons d'accord avec les accordéons , on boucha le second bourdon.
Olivier Durif explique qu' "on a une faible idée aujourd'hui du paysage des villages
Parisiens qui constituent la capitale au XIXème siècle, un sentiment d'appartenance sans doute inconnu au pays. La musique y joue un rôle majeur comme ciment des solidarités dont la cabrette figurera, en quelque sorte, le son et l'image. Le milieu Parisien de la cabrette, dont la
personnalité de Bouscatel semble avoir été l'élément culminant, a sans doute fortement bénéficié de cette fonction ultra-identitaire et de représentations mi-réalistes, mi-romantiques dont, à l'époque, même la presse se fait l'écho "
Les musiciens de ces bals étaient :
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Antoine Bouscatel (1867-1945) |
Bouscatel ne voulait pas entendre parler d'accordéon. Mais, un jour, la grande rencontre se produit.
La salle était petite, basse, enfumée et « grouillante d'une jeunesse pleine de vie ». On est
en 1904-1905. Charles est entré, livide. Sur l'estrade, le patron est en
train de jouer: « Grand, mince, portant la blouse légendaire, Bouscatel " donnait à danser " , Tout en manipulant bras et jambes - car
il portait des grelottières - il regardait évoluer sous lui la masse
compacte des danseurs. » Péguri insiste pour parler à Bousca. Le
cabrettaire reste froid.
- « C'est que je suis musicien, Monsieur Bouscatel... »
- Bouscatel n'a besoin de personne.
- « je joue de l'accordéon »,
s'enhardit Péguri, et l'autre de lui clouer le bec:
- « De l'accordéon? Qu'est-ce que c'est? »
Charles lui montre son instrument, Bousca fait une moue peu convaincue:
- « C'est étrange ce truc-là. Et tu fais de la musique avec? »
Mais, probablement Bouscatel avait déjà compris, admis les qualités spécifiques de
l'accordéon car, lorsque, à sa demande, Péguri lui joue un air, aux
« premières notes, le regard de Bouscatel devint éloquent ». Le voilà
maintenant qui grimpe sur l'estrade rejoindre Charles... Un! deux!
trois! côte à côte cabrette et accordéon, c'est du jamais-vu, une première!
Le succès aussi est inattendu, les danseurs en redemandent,
ils exultent! « Ça tourne! Ça tourne! » les encourage Bousca.. Des
valses, à n'en point douter...
Il faut entendre, sous la plume de Louis Pèguri, Antoine Bouscatel prononcer
l'oraison funèbre de sa musette et l'éloge du nouveau roi de la rue, l'accordéon!
S'adressant à Baptiste son joueur de
vielle:
"Les jours de ma cabrette sont comptés, et ceux de ton biniou aussi ! Ce bougre d'instrument nous amène la ruine! A moins que ! ... Alors, les gars! qu'en pensez-vous, c'est du merveilleux qui nous tombe du ciel. C'est une révolution qui se prépare. Avez-vous entendu ? C'est rond, c'est chaud, c'est vivant. Et c'est tout un orchestre, cet instrument du diable! Il vous a mis les trippes à l'air ce biniou de Satan.
Alors, écoutez bien ce que va vous bailler Bouscatel. C'est décidé. Dans mon bal de la rue de Lappe, on y jouera de l'accordéon avec ce phénomène de Péguri. Et, je vous le dis, foi d'Auvergnat, je refuserai du monde à ce bal... Et moi mort, on dansera encore rue de Lappe".
pour danser, là comme ailleurs, il fallait donner son écot |
Un soir où la rue de Lappe déborde rue de la Roquette et rue de Charonne, y déverse ses sapins, ses coupés et ses landaus. La salle, au plafond bas, avec ses petits bancs, ses comptoirs et ses glaces, s'est élargie, a reculé jusqu'au boulevard Voltaire. Dans un coin, sur une éstrade, trône Bouscatel en personne, le cabretaire légendaire. Il a ceint la musette parée de velours rouge et agrafé à ses chevilles deux colliers de grelots sonores. |
Il est en bras de chemise, rouge, car il fait chaud. A sa gauche est assis un joueur d'accordéon ... Hé les enfants ! Voici la bourrée qui commence. Bouscatel, le cabretaire, distribue l'air avec son bras droit, tandis que son bras gauche mesure le vent à l'outre, gonflée comme une énorme joue pleine. Ses deux genoux qui sautent font vibrer les grelots sonores, en cadence. Ses doigts agiles vont et viennent sur les trous sans clefs des tuyaux... L'accordéon s'éploie comme un livre et chante près de la musette qui nasille avec une voix chevrotante de grand-mère".
(la haute loire - 17 septembre 1906)
Sans oublier Martin Cayla, cabretaire et patron d'un magasin de musique, ni Jo Privat, accordeoniste.
les musiciens se sont réunis longtemps, les vendredis soirs, dans la salle d'un restaurant
de la rue de lappe (la Galoche d'Aurillac) pour y jouer ensemble, jusqu'en 1980.