Le conte de la souris, dédié à papa.  
 
Ce fut la souris qui commença, d’ailleurs c’est toujours elle qui prend la parole dans des cas semblables. Elle s’avanca en reculant, histoire de bien montrer qu’elle savait nager, renifla, toussa, retoussa, et dit :

- Pour mettre fin aux divers mouvements qui agitent notre société depuis une lune, il a été décidé ce matin en conseil restreint de restructurer l’assiette du prélèvement conjoncturel. La grande bête a déclaré à ce propos que les divers postes budgétaires primitifs seraient dans un premier temps transférés au calendrier des engagements de crédits, puis au cours d’une deuxième étapes, imputés à la demande globale ; en parallèle, un soutien sélectif des diverses techniques d’intervention permettra une relance massive des capacités concurrentielles du taux de couverture. La finalité du plan restant, sous le biais d’une modulation accélérée de l’équilibre intégré réel, de permettre la conception des éléments indiciels de base.

La fourmilière se dressa alors comme un seul homme et entonna ce refrain joyeux :
- Nous tenons à signaler que la disparité latente de la conjoncture ne pourra amener ni blocage, ni suppression des charges d’investissements directs, puisque l’initiative n’en appartient en définitive, d’après ce plan, qu’au collectif budgétaire auquel il retire justement en prologue à ces disposition de sauvegarde tous pouvoirs de décision.
La souris se haussa du col et reprit :
- Il faut trouver une solution, c’est impérieusement nécessaire.
Tout le monde approuva du bec et des ouïes.
La crinière du lombric ondula, il allait parler, du moins dés qu’il aurait réajusté ses bretelles.
- Faut qu’on fasse une butte de terre, comme un paravent.
Le crapaud lâcha un pet, qu’il aurait voulu insonore, et lança dédaigneux :
- y a qua aller au ruisseau.
- Pas question, hurla le poisson, trépignant de rage.

Enfin, on détourna le ruisseau, on y apporta deux grosses pierres que l’on plaça de part et d’autre et l’on planta des roseaux tout autour. Et chacun s’y retirait lorsqu’il en éprouvait besoin. Plus tard, un homme passa par là en sifflotant. De son œil torve, le seul valide, il avise l’édicule ; sa lippe baveuse en laisse échapper un glaviot vert d’admiration. Il se détourne, se prend la jambe de bois, trop courte, dans son pied bot et s’étale dans la boue. Il se redresse en jurant et va s’y installer, espérant bien flinguer quelque bestiau venant boire son saoul à la rivière. Au bout d’un moment, il tire de son nez boursouflé une morve bleue qu’il mâchonne lentement, glaviote un coup, s’essuie d’un vaste revers de manche et s’en fait éclater un chancre mais sa bosse pleine de poux le démange encore ; décidément, il n’aura rien aujourd’hui.

Moralité : Il ne faut pas prendre un tournevis pour arracher un clou.