Lettre à France Québec.  
 
Le 27-5-70
Cher Monsieur


Lors de cette si prompte entrevue, vous me semblâtes si intéressé par ce florilège de notre langue, que je me permet de me rappeler à vous. Il serait opportun qu’a nouveau nous nous rencontrions, alors même que partout se propage l’erreur : l’on voudrait me faire dire que le mot n’est rien, et que fâte est sa musique ? Le mot n’est-il de l’idée que le support ? Certes, il est vrai que l’idée est, à ce mot, sous-jacente, ainsi que l’honneur au drapeau ; mais le mot ne trouve sa réalité que dans la phrase, ou il s’affirme en tant que principe fondamental du beau et jaillit comme trompette dans la gracieuse mélodie du discours, et porte aux nues l’idée.

La phrase est telle une bataille, et le mot, tel un joueur de buccin sur le rubicon, entraînant derrière lui l’idée par sa mélodie propre, en est l’essentielle pièce. Sans mot, le discours ne pourrait être, mais que sonne les fifres, et les trompettes, et les hautbois, le mot est là qui nous délivre.

Il nous le faut faire connaître à nos semblables, là est nôtre divine mission, cher monsieur. Cet entretien passionnant, qui fût pour moi le prélude d’une longue méditation ; méditation sur la valeur des mots et leur réalité abstraite, doit avoir un prolongement : ce prolongement, il peut le trouver dans le cadre de vôtre association. Il y est fort possible et même impérieusement nécessaire de développer et de propager ces idées, qui, je le sais, ont trouvées en vous un défenseur acharné.

A très bientôt donc, sur cette belle et noble affaire, votre très dévoué,