Admettons que le terme vleu s'applique à un objet qui, observé avant un certain instant t, est vert et, observé ensuite, est bleu. De même, un objet, bleu avant un instant t et vert ensuite, sera dit bert.
Convenons de fixer cet instant t à 0 h, le ler janvier de l'an 2001. Donc, si nous achetons un objet de couleur verte en 1984, mais qui deviendra bleu au tout début du troisième millénaire, cet objet sera dit vleu. De la même façon, si un objet est bleu en 1984 et devient vert à la date ci-dessus, cet objet sera dit bert.
Que dirons-nous alors d'une émeraude achetée en 1984 ? Il paraît légitime de dire que la présence de cette pierre est un cas particulier vérifiant la proposition générale: «Toutes les émeraudes sont vertes. » Cependant, tenons compte du fait que nous constatons la couleur de l'émeraude avant l'an 2001. Cela signifie qu'observer cette couleur vérifie également la proposition générale : « Toutes les émeraudes sont vleues »; en effet, si un objet quelconque est vleu, il doit être vert à tout moment avant l'heure de minuit du 31 décembre de l'an 2000. Ainsi, en considérant que toutes les émeraudes observées sont vertes et que toutes ces observations ont lieu avant l'instant t, on doit tenir les deux propositions générales comme également vérifiées. Donc, si nous achetons une émeraude en 1984, à quoi devons-nous logiquement nous attendre en 2001?
Le sens commun nous dit qu'il faut nous attendre à une émeraude verte, mais les logiciens peuvent toujours demander pourquoi les émeraudes observées après l'instant t seraient vertes plutôt que bleues ? Ou, comme disent les philosophes, pourquoi le prédicat « vert » serait-il plus extrapolable dans le futur - il aurait plus de chances d'être le même dans l'avenir que maintenant - que le prédicat « vleu » ?