Jeannot

 

Je suis Jeannot, dont les actions comiques

Ont fait jaser pendant z’au moins z’onze ans,

Je suis de chez nous d’mon père le fils unique,

C’qu’il y a d’plus sur, c’est que j’sommes cinq enfants.

 

Un jour, la nuit, je vis lever mon père,

Qui vint à moi, puis-ca me dit : Jeannot,

Va-t-en chercher du beurre pour ta chère mère

Qu’est bien malade, là-bas dans un p’tit pot.

 

J’entre en passant chez mon tonton licorne

Puis ça, lui dit : tonton, dépêchez-vous,

Met’vot’ chapeau sur vot’ tête trois cornes

Puis cela fait z’un saut de plus chez nous.

 

Il trouve mal cette pauvre Jeanotte,

Il dit qu’mon père les avait trop bourrée

Avec un gros comme moi morceau d’galette

Qui v’nait de mon frère qui l’avait trop beurré.

 

A la maison, chacun était en proie

A la douleur d’un si funeste jour.

Moi qu’avions faim, j’m’en fus chercher notre oie

Chez l’boulanger qu’j’avions fait cuire au four.

 

Quand je revins ma mère était revenue,

Déjà chacun commençait à s’asseoir ;

ell’prit du beurre et puis de la morue

En compagnie qu’était bouillie du soir.

 

Voilà-t-y pas qu’pour marquer mon adresse

Je renverse les assiettes et les plats,

Je fis une tache à ma veste de graisse,

A ma culotte, à mes jambes, de draps,

 

Puis à mon bas que mon grand-père de laine

M’avait donné avant de mourir, violet.

Ce pauv’cher homme est mort d’une migraine

Tenant une aile dans sa bouche de poulet.

 

Un soir d’été qu’il gelait à tout fendre

Sur un coucou je montais en lapin

C’était pour Sceaux que je devais me rendre

Mais, patratac ! l’essieu casse en chemin

 

Je m’en souviens : en tombant de voiture,

Mon pauvre nez se planta, sans façon

Dans un bocal rempli de confiture

Ah ! que n’étais-je, hélas ! sur un char …. Bon !

 

                                                                        Daubigny