La situation, par Eugène Maraud
Pff ! où allons nous, mon dieu, où allons nous ? Voulez-vous que je vous le dise, moi, où nous allons : pfff, et bien, nous y allons tout droit, et retenez bien ce que je vous dis là, avant huit jours nous y serons, pffff, en plein.
Je n’y croyais pas moi non plus, pfff. J’ai voulu me rendre compte, j’ai été voir un garçon que je connais, qui est très attaché au cabinet du ministre, du ministre de … il y a un drapeau neuf au dessus de la porte. Je suis arrivé, il dormait, il est très occupé. Alors, nous avons causé , je lui ai dit : et bien, et la situation, pffff. Savez-vous ce qu’il a répondu ? Il m’a répondu : Mon cher, la situation, pssst (geste) voilà. Oh, tu exagère ; et bien non, il était dans le vrai : la situation, voyez vous, psst. Voilà (geste) C’est très grave.
Je me suis dit : il faut voir, et j’ai été dans un ministère. Il y a un drapeau au-dessus de la porte. J’ai demandé quelqu’un que je connais là, un ami. Je suis entré, il travaillait à un vaudeville, il est très occupé ; et ma foi je n’ai pas été par quatre chemins, je lui ai dit : Voyons la situation, pffff ! La situation , me répond-il, la situation je l’ai, je la tiens. Il la tenait ! Voici : Arthur croit que sa femme, la femme d’Arthur le trompe avec Ernest, un de ses amis à Arthur. Alors il dit à sa femme, la femme d’Ernest, votre mari, le mari de la femme d’Ernest , vous trompe en me trompant avec ma femme. Je ne me trompa pas, nous sommes trompés ! Je l’ai arrêté : non, la situation ? Et bien la voilà la situation. Non, comment ça finira-t-il ? Oh ! par un couplet au public, la la la …- Non, la situation po-li-tique ! - Ah ! la situation ! Mon ami, tu sais, la situation, psst ! (geste) voilà, c’est très grave.
Je savais enfin à quoi m’en tenir ! Cependant j’ai encore voulu voir, j’ai été au ministère de … fff. C’est curieux, il y a un drapeau usé. Là je connais un cousin de ma femme, ils ne peuvent pas se voir, il est toujours fourré chez nous, fff ! J’ai demandé à son garçon de bureau : - Monsieur n’y est pas ? – oh ! non, monsieur n’y est jamais au ministère, il est trop occupé. Alors j’ai causé un peu avec le garçon de buireau (je n’ai pas de préjugés). Je lui ai dit : La situation ? Il était navré, il paraît qu’on va les forcer à être polis ! ça n’a jamais été plus mal.
Pff ! j’étais fixé ! Pourtant en revenant, j’ai passé devant la bourse ; il y a encore un drapeau, seulement il n’a plus que la hampe. Je me suis dit : Tiens, la bourse, j’y ai un ami intime, il est agent de change. Et bien la situation, vous heu ! on voudrais, hum !là, j’acheterai, mais, heu ! Je le remercie, j’étais inquiet vous comprenez, tous ces heu ! heu !
Il ne me restait qu’à placer à l’échange, c’est ce que j’ai fait ; pas sur, je lui ai donné toutes mes valeurs, il a pris toutes celles de ses amis intimes et il est parti en Belgique. Vous me direz : oh ! fff, je suis tranquille, ma femme est partie avec lui.
Et bien tout cela m’a fait faire des réflexions et je me suis dit : Ca y est, fff ! D’ailleurs ça ne m’étonne pas, j’ai toujours prévu les événements. Fin 48 par exemple quand on a entendu les premiers coups de fusil, il y a des gens qui disaient « c’est ceci, c’est ça ». Et des gens vous savez, fff. Enfin des gens sont dans le fff ! qui y sont depuis trente ans ! Et bien moi je n’ai pas hésité, j’ai dit : « ca y est, fff ! » Voyez aujourd’hui, c’est la m^me histoire, et il y a une chose que je sais et que je pense vous dire, et vous serez les premiers à me répondre fff ! Comme vous avez raison, fff mon Dieu ! Comme vous avez donc raison ! La situation, voyez-vous, pst ! (geste) voilà. Il sort convaincu.