Libération, dans son édition du 4 février, cédait à la facilité en titrant
: «La France se livre à Microsoft». Sous la plume d'Édouard Launet, on
pouvait lire une charge pataude contre Bill Gates, le patron de Microsoft.
La France vendrait «son âme au diable» si ses industriels ou l'un de ses
laboratoires acceptaient de collaborer avec Microsoft sur un projet de
recherche. Son ministre de l'industrie, Dominique Strauss-Kahn, trahirait
les Français en prenant conseil auprès de «l'ennemi public n°1».
L'astucieux rédacteur de la colonne Économie du quotidien de la rue
Béranger propose au Président de la Général des Eaux, Jean-Marie Messier,
de ne pas se faire «microsoftiser», de résister, de renoncer à Windows, à
Internet Explorer, et d'opter plutôt pour des «logiciels libertaires et
légers». Et préfère les «alternatives logicielles gratuites» aux produits
commerciaux. Sans doute ignore-t-il que le logiciel est aux États-Unis le
premier secteur économique, qu'il est et sera pour des années le premier
créateur d'emploi, que les emplois qu'il crée sont parmi les mieux payés,
que le montant des investissements du capital-risque a progressé de plus de
60 % entre 1996 et 1997 pour atteindre le chiffre de 3,6 milliards de
dollars et a largement bénéficié à des éditeurs de logiciels. Ces
résultats, dans le droit fil d'une économie américaine plus prospère que
jamais (le chômage y est tombé sous la barre des 5 %), ne sont possibles
que parce qu'existent des entrepreneurs audacieux, dont Bill Gates et ses
collaborateurs, qui savent prendre des risques technologiques et
financiers. Dans un pays où l'entreprise n'est pas un bien patrimoniale, où
le succès n'est pas une tare, où le nombre de fonctionnaires diminue et
laisse la place à un État non plus acteur mais arbitre, Bill Gates n'est
pas l'ennemi public n°1 que décrit Édouard Launet. Soumis à l'examen
scrupuleux du ministère de la Justice, il oppose, non sans quelques
raisons, son droit d'intégrer de nouvelles fonctionnalités à un système
d'exploitation qui a conquis le monde. Car, au contraire de ce que croit le
rédacteur de Libération, ce n'est pas Microsoft qui a imposé Windows, mais
ses utilisateurs. Libre à Édouard Launet d'installer sur son
micro-ordinateur Linux et Opéra, un «astucieux programme de navigation
[pour l']internet». Bon courage! C'est que, en quelques années, les
«milliers de diablotins (les programmeurs de Microsoft)» ont fait des
progrès. De MSDOS à Windows 95, quel chemin parcouru! Mais, décidément, il
ne fait pas bon réussir aux yeux de la France des grincheux. A Bill, ils
préfèrent Bull et ses déficits records, et contre Microsoft qui pourrait
racheter British Telecom, ils choisissent France Telecom et son Minitel
anachronique. Dominique Strauss-Kahn n'est pas de ceux-là.
[Harry Gato]